Lecture du cas et sémiologie:
« …pour une fracture du coude. Elle serait tombée d’un muret à l’école… » Une chute peut être rapprochée d’un renoncement à l’autonomie, une peur d’aller vers le monde.
Stade de séparation-individuation de Mahler qui tend vers l’autonomie.
C’est un replis sur soi, un retour à la mère qui doit la soutenir et la rassurer.
« …son agitation extrême, et de son agressivité… », « Elle « vocifère » à longueur de journées et insulte le personnel, allant même jusqu’à renverser volontairement son plateau repas pour marquer son insatisfaction.
Trouble du comportement, irritabilité, intolérance à la frustration.
Anna est dans l’agir. Il y a une difficulté à élaborer (processus d’élaboration), insulte et acte agressif dirigé vers les autres devenant objet de projection de ses propres conflit d’angoisse. La prodigation des soins arrive comme une menace => agressivité de l’enfant.
« Anna est la seconde d’une fratrie de 4 enfants ; à l’époque de sa première hospitalisation, sa mère était enceinte du quatrième. » Vécu d’abandon : mère enceinte et séparation 3 semaines.
Il lui est arrivé par ailleurs de « frapper » l’auxiliaire puéricultrice qui voulait lui faire la toilette. » Moment de la toilette = agitation, peur.
« Anna est hospitalisée pour la seconde fois. En effet, à l’âge de 3 ans, elle était restée trois semaines dans le même service pour une fracture du fémur, suite à un accident domestique… » Le motif de consultation est le même que la première fois.
« « crises d’agitation et de pleurs » lors de la toilette.
En effet, lors de celles-ci, l’enfant pleure, crie, s’agite, manifeste une colère « explosive »
associée à des cris stridents incessants pendant le 1/4 d’heure que dure celle-ci. »
Refus du toucher et de la proximité. Comme ci seul la mère pouvait prodiguer les soins. La mère apparaît comme le seul objet, seul autre avec qui l’enfant peut interagir.
Cf. « les spasmes du sanglots » (une forme bleu et une forme blanche) intervenant dans une frustration, une colère. L’enfant ne supporte plus la contrainte. C’est un symptôme signal d’une défaillance des mécanismes mentaux face aux situations déplaisante et à la frustration.
« Elle répète par ailleurs incessamment, qu’elle veut se faire « salir » le visage… »
Renvoi au stade sadique anal. Relation d’objet d’emprise, désir de contrôle et d’affirmation sur l’objet.
« …Anna présente par rapport aux événements de la vie courante, des réactions extrêmes, démesurées et caractérisées par une hyper expressivité des affects et des désirs »
Réaction extrême démesurées, absence de régulation émotionnelle et de gestion des affects.
« …Anna est « autoritaire » avec sa sœur et son petit frère », « …exige de ses parents toutes sortes de comportements (repas spécifiques, achats, jeux, etc..)… »
Autoritaire aux parents, désir devant être exaucé. Les parents doivent y répondre et si il y a frustration, elle répond par de l’agressivité.
« …manifeste une intolérance à la frustration importante. Elle adopte ainsi une attitude agressive à l’encontre de son entourage, frappant sa sœur, sa mère, dès que celles-ci ne lui permettent pas de s’exprimer pleinement »
Comportement revendicatif et sentiment de toute puissance. Attente de réponse instantanée = processus primaire archaïque.
Intemporalité de l’inconscient qui exige une satisfaction immédiate.
« La mère se dit « fatiguée en ce moment » à cause d’une quatrième grossesse, et semble incapable de s’imposer face à cette enfant « autoritaire » ; elle paraît par ailleurs effacée, dans la relation parentale. Elle semble en effet se positionner avec un certain laxisme par rapport à l’enfant… »
Avoue son échec à contenir son débordement, de se positionner en objet extérieur, régulateur en rapport avec le monde. C’est une mère qui n’est pas un modèle d’identification, ni un objet de crainte et de limite. Elle est perçue par Anna comme source de satisfaction.
Si il y a insatisfaction l’objet maternel est attaqué et détruit.
« …souriant à l’évocation des débordements émotionnels et comportementaux de sa fille, et disant volontiers à propos de ce mode relationnel : « y a rien à faire ». »
La mère se plaint mais en même temps elle dit qu’il n’y a rien à faire. Elle semble s’accommoder à cette situation qu’elle n’arrive pas à résoudre.
« Elle dira ensuite qu’ « elle ne sait pas dire non ». » ce n’est pas une mère frustrante car pour elle cela équivaut à être une mauvaise mère, or c’est l’absence, le manque et la non satisfaction immédiate des désirs de l’enfant qui permettent la construction de l’objet.
« Nous apprendrons qu’Anna a toujours été « un bébé impossible », qui « criait toujours », ce qu’elle ne supportait pas. » la mère n’arrive pas à contenir les sollicitations de l’enfant.
Elle décrit l’enfant comme pénible. Dans son imaginaire l’enfant est nocif, source de culpabilité décrite comme une fatigue suite à l’accouchement = dépression.
« Tellement « elle était pénible », elle aurait fait une « dépression à cause de la fatigue après l’accouchement ». »
La dépression maternelle provoque un défaut d’étayage précoce et une distorsion des interactions qui se manifeste par l’incapacité d’ajustement des soins.
« …elle tente de « prendre les devants », et rapporte que « lorsqu’
Anna était bébé, elle avait toujours un biberon pour elle de prêt » qu’elle lui donnait dès qu’elle s’agitait,…» Mère infirmière, trop bonne, opératoire : l’enfant n’est pas investit libidinalement. Dans les moments d’attentes il y a hallucination du plaisir. Elle n’a pas eu le temps d’expérimenter le manque et la frustration, le besoin ne s’est pas inscrit dans une relation d’échange, d’attente et d’élaboration.
« … ne supportant pas ses pleurs… » la mère ne supporte pas non plus la frustration.
« … « enfin, c’est Anna… », « c’est la seule comme ça ». » façon de se déculpabiliser, de na pas assumer sa part de responsabilité. Ce n’est pas de sa faute la pauvre, les autres sont sain.
« A propos de la petite enfance d’Anna, la mère transmet peu d’éléments et avec peu d’affects. Elle n’aurait pas observé de retard d’acquisitions » pas de ressenti de la mère, pas d’affect d’échange.
« Anna aurait bu au biberon tardivement, jusqu’à 8 ans (le soir seulement), et elle suce encore son pouce.» Régression à des points de fixation du stade oral, phase ou la dépendance est vitale et totale. L’enfant est dans une relation de type anaclitique, d’étayage : la dyade mère/enfant, relation pré œdipienne.
« Anna a eu également, outre son hospitalisation à 4 ans, quelques problèmes de santé vers 4 ans, des otites à répétition, des allergies et de l’asthme.»
Somatisation signant un conflit traduit dans le corps : allergie => notion de Moi peau, limite du corps, lutte contre l’intrusion.
« Le père, de son côté, qualifie sa fille comme ayant « du caractère », ce qu’il semble valoriser » Déni du père, il valorise ses troubles, les positives. C’est pour lui un signe de volonté, de supériorité et de caractère.
Il semble être effacé, passif « …qu’il est actuellement « en congé maladie », suite à un accident du travail. Actuellement, se pose la question de savoir s’il dépose un recours pour obtenir une « invalidité permanente » ce qui représenterait pour lui un avantage financier…» père au foyer semble tirer des bénéfices secondaires de cette situation.
« l’entretien a essentiellement pour thème « ses compétences professionnelles » ; » L’invalidité concerne aussi son rôle de père = garant de la loi symbolique. Celui qui doit intervenir dans cette relation, duel et anaclitique.
« semble manifester quelques hésitations quant à l’abandon de ses compétences professionnelles pour une vie de « père au foyer », où la chasse constituerait son seul divertissement. ». Or il n’est pas capable de s’introduire dans cette situation. Il semble démissionnaire et absent.
Première rencontre avec l’enfant (Anna, 3 ans)
« Anna se présente comme une enfant souriante, très communicante, parlant volontiers, de sa situation à l’hôpital, de l’accident, ainsi que de sa famille. Elle est détendue et accepte volontiers de faire deux dessins à notre demande: « Anna à l’hôpital » (annexe 1), et « Anna à la maison » (annexe 2). La situation de l’entretien médiatisée par l’utilisation du dessin, est dans un premier temps tendue ; Anna s’agite, ordonne : « passes moi le noir …non, pas celui-là, l’autre ». » Désir de maîtrise sur l’objet, comme avec la mère.
« Alors que nous lui donnons la feuille, elle fait de grands mouvements, et nous écrit sur bras, tout en nous arrachant presque la feuille des mains. »
Peur d’abandon, jalousie anticipée. Refus de réponse et agressivité car pour elle il y a difficulté d’exprimer émotions et affects, donc elle passe à l’acte = régression à l’acte.
Épisode actuel
« …présenter des difficultés d’apprentissage patents. »
« …vient de doubler son CE2 en raison notamment du mauvais maniement de la lecture, et de ses résultats en mathématiques. De plus, l’institutrice a remarqué notamment qu’elle était « lente » dans la réalisation des exercices, comparativement aux autres enfants. »
Problème scolaire diversifiés, difficulté d’apprentissage et lenteur dans l’éxécution des exercices. Problème de raisonnement.
La lenteur peut être entendu comme une forme d’inhibition.
« Ses parents pensent d’ailleurs, qu’elle doit être « précoce », puisqu’elle « est intelligente », et « que les enfants précoces sont mauvais à l’école ». » parents dans le déni des difficultés scolaires de leur fille.
Admettre les difficultés renvoie à leur propre échec. Aux difficultés rencontré dans la relation à l’enfant = représentions en décalage avec celles des enseignant et de la réalité.
« D’un point de vue de la sociabilité, c’est une enfant qui a peu de relations avec les autres
enfants, timide, qui semble même, d’après les dires de la maîtresse, « inhibée ». En effet,
elle est seule pendant la récréation, regarde les autres enfants « le pouce dans la bouche »,
et l’épisode de la dispute, eu égard à son attitude habituelle, aurait étonné la maîtresse. »
Vie sociale pauvre avec peu de relation à ses pairs a l’école = inhibition et retrait.
A l’inverse de son comportement à la maison (explosif) Anna n’arrive pas à aller vers l’autre à partager des activités ludiques.
Elle demeure fixée à des phases de développement où la symbiose mère enfant est prédominante.
« c’est une enfant qui a peu de relations avec les autres
enfants, timide, qui semble même, d’après les dires de la maîtresse, « inhibée ». »
La relation à l’autre est caractérisée par l’agressivité envers les membres de sa famille et aussi par l’inhibition.
Elle manifeste un comportement régressif de type oral.
Cette régression traduit une fixation à une phase anaclitique à une relation duelle.
« L’entretien avec la mère nous apprend qu’Anna est « toujours pareil », qu’ « elle fait sa loi à la maison », mais qu’ « elle est sage à l’école, ce qui est le plus important ». »
Pour la mère c’est un souci de conformisme.
Les problèmes de comportement sont perçus comme dérangeant que lorsqu’il se produise a l’école.
Une adaptation de surface à l’école permet de maintenir un équilibre tout en déniant les problèmes de comportement et de la relation.
« Elle se dit « fatiguée » d’ « obéir à sa fille », « le tyran de la famille »,
mais « quand on a des enfants, faut s’en occuper ». »
La mère est fatigué d’obéir a sa fille : (complaisante et besoin d’aide) c’est aussi et surtout d’assumer son rôle de mère : nourricière qui répond au besoin de l’enfant même quand il ne demande rien.
L’enfant ne peut pas halluciner le plaisir, anticiper une satisfaction.
Le manque n’est pas représenter, le monde extérieur et l’autre non plus.
« Elle affirme ne pas comprendre les accès de violence de sa fille, alors qu « elle a tout ce qu’elle veut », « même lorsqu’elle ne demande rien ». Elle se définit comme « une mère avant d’être une femme » ; « pour une femme, être mère, c’est ça la vie, c’est comme ça». »
Elle se définit comme une mère avant d’être une femme = pourrait être entendu comme « je refuse d’être une femme objet désiré et désirant dans la triangulation œdipienne, mais j’accepte d’être une mère dans le sens du soins et de satisfaction de l’enfant ».
« Le père est à ce jour en invalidité, et père au foyer. »
Pas d’évolution du père.
« Il dit d’Anna que « c’est une vraie petite bonne femme », « elle en veut ». La dispute à l’école est entendue comme une faille du système scolaire. » Anna est idéalisé : enfin un membre de la famille actif.
« « non seulement, ils les éduquent plus les enfants (la preuve elle sait pas lire) », mais « en plus, ils supportent pas les leader, normal c’est des fonctionnaires. ». Il évoque ainsi une solution : « faudrait qu’ils aient un chef… »
Il la qualifie de leader. Anna réalise en quelque sorte ce que le père n’a pas pu réaliser.
On peut dire qu’Anna porte le symptôme de la famille mais celui-ci est dénié.
Les parents trouvent leur compte.
Il y a une projection sur l’école qui ne remplie pas son rôle d’éducation et aussi un déni : « elle dérange, ma fille, parce qu’elle est intelligente, mais elle a pas de problèmes ». »
Les infirmières ne répondent pas à ces attentes, elles ne donnent pas le même soin que la mère et ne réponde pas au mode de relation maternelle.
Intolérance à la frustration et obligation de ce conformer aux règles de l’institution.
Entretiens avec l’enfant
« Pendant l’entretien, l’enfant regarde dans tous sens, et s’agite, faisant de grands gestes ;
nous lui proposons de dessiner, elle refuse et lui donnons rendez-vous trois jours après. »
Refus de communiquer et d’établir un lien avec le psy.
Anna est dans une situation de contrariété.
C’est plus la séparation physique d’avec la mère qui provoque une angoisse dépressive de perte de l’objet.
Cet objet demeure un bon objet…peut être trop bon.
Sa présence permanente conforte le fantasme de toute puissance de l’enfant et de son emprise sur l’objet.
Maîtriser la relation = emprise sur l’objet maternel qu’elle reproduit dans son rapport à l’autre.
Diriger et maîtriser l’objet lui permet de préserver l’intégrité de son moi et traduit sa difficulté a entrer en relation avec l’autre, de ce rassurer contre l’éventuel perte de l’objet.
Cette perte fantasmatique est intolérable pour le Moi.
Ce moi n’est pas assez consolidé pour contenir l’angoisse qui lui est lié.
Psy : « qu’est-ce qui se passe Anna ? »
Elle crie : « je veux pas te voir ». Nous intervenons alors pour lui dire qu’elle a le droit de
refuser, mais qu’elle pourrait le faire sans crier, que nous l’entendrions quand même .
Psy : « tu peux parler normalement, tu sais, Anna, mais si tu ne veux pas, je m’en vais, et se
verra une autre fois ».
Anna : « j’en ai marre…(pleurs) »
Le thérapeute a constamment besoin de la recentrer car l’enfant s’attaque au lien et à la relation par des débordements comportementaux et émotionnel.
« Le jeu se déroule sans heurts ; cependant, Anna tente à de multiples reprises de maîtriser la relation. Nous sommes obligée de la recadrer incessamment pour établir un dialogue et ne
pas subir ses attaques. »
Si la relation est sur un mode de maîtrise, l’autre devra se soumettre a la toute puissance de l’enfant et a son narcissisme triomphant.
Anna réagit à cette tentative de relation par l’agressivité (attaque contre le thérapeute) qui sont des caractéristiques transférentiels des pathologies limites.
« Elle a des gestes brutaux envers les poupées, et finira par arracher la tête de sa poupée, et la jeter violemment à terre sans un mot. A notre question sur la raison de ce geste, elle répond : « elle est mal habillée, elle a pas de chaussures ».
Attaque contre la poupée : cf. la planche du TAT où l’on retrouve un enfant pied nu = problématique d’abandon.
La poupée pourrait être Anna sans sa maman.
Elle refuse de représenter l’absence de sa mère et s’attaque a la poupée.
En même temps la poupée comme un objet transitionnel peut représenter la mère absente et insatisfaisante.
Ce sont le indicateur d’un fonctionnement limite = déformation du moi en faux self.
L’objet étant perçu comme total, mais le Moi entretien des relations avec ce dernier soit de manipulation (demande de satisfaction inconditionnel) soit de destruction (cas de non satisfaction).
Bilan psychologique :
¤ WISC :
Moyenne avec distorsion cognitive = déséquilibre entre les niveaux.
Trouble de temporalisation et de mentalisation.
¤ Refus du Rorschach = défense contre régression et éléments archaïques de cet instrument.
Cette résistance peut traduire un souci de préserver un moi et une structure fragile.
¤ TAT ok =
-Projection ok.
-Absence d’identification œdipienne et triangulaire.
-Absence d’élaboration de l’agressivité.
-Dévitalisation, désensibilisation des tentatives de défense contre les émotions, mais ce mode de défense présente des failles et les angoisses d’abandon resurgisse = émergence des processus primaire.
Conclusion :
Il n’y a pas de trouble réactionnel car perdure et se cristallise.
Trouble du développement affectif : intolérance a la frustration.
Fixation oral : analité et sadisme.
Fixation anal : destruction de l’objet du lien, manipulation, souci de contrôle et de maitrise de l’objet.
Trouble du comportement : asocial et agressive, pauvreté des rapports sociaux avec un primat de l’agir.
Trouble de l’apprentissage : mauvais résultat scolaire et distorsion cognitive.
Absence de manifestation névrotique, forme clinique : pathologie limite de l’enfant ou de l’organisation indifférencié de type anaclitique (Bergeret).
Psychopathologie :
- mécanisme de défense : régression, projection (sur l’autre) identification projective et clivage de l’objet ( = attribue a l’autre son agressivité) méchant et nul.
- Relation d’objet anaclitique, d’étayage et de perte de l’objet.
Presque symbiotique car les identifications sont de type primaire s’inscrivant dans le registre de la satisfaction et de l’incorporation.
Identification a des objets non œdipien, car œdipe non abordé.
- Type d’angoisse : dépressive, perte de l’objet.
- Type de conflit psychique : entre le ça et l’objet via le Moi. Dépendance primaire a l’objet.
Pour combler la faille narcissique, le Moi est surinvestit. C’est un Moi exigent archaïque et tout puissant.
Niveau relation transférentiel à l’enfant : difficile de s’identifier à Anna, qui renvoi a ces propres difficultés d’identification.
= rapport de force, nécessité de recadrage permanent pour contenir les débordement et les attaques contre le lien thérapeutique.
Ces rappels au cadre provoque des comportements agressifs.